top of page

NOUS SOMMES PLUS VIEUX QUE NOUS LE PENSIONS

  • Photo du rédacteur: Camille
    Camille
  • 28 nov. 2017
  • 4 min de lecture

Ou comment une découverte change l'histoire de l'humanité

Les récentes découvertes de Jean-Jacques Hublin et de son équipe sur le site de Jebel Irhoud pourraient remettre en question ce que nous savons de l'évolution de l'Homme Moderne.


Le site de Jebel Irhoud


Ce site marocain, à 55km au sud-est de Safi, a été fouillé une première fois dans les années 60 après sa découverte grâce à l'activité minière de la région. La datation des restes humains a été difficile à l'époque à cause du remaniement des couches sédimentaires provoquées par l'activité des mines. D'après leur morphologie faciale, l'appartenance des fossiles était attribuée à Homo neandertalensis (Néandertalien). Ce n'est qu'en 2004 que Jean-Jaques Hublin, de l'Institut de l'évolution Max Planck, parvient à obtenir une autorisation pour fouiller à nouveau le site.


Les récentes découvertes


Par chance, une partie du site n'a pas été perturbée par les anciennes fouilles ou les mines, ce qui a permis à l'équipe d'anthropologues d'effectuer une nouvelle datation de la couche sédimentaire où de nouveaux restes humains ont été découverts, notamment une mâchoire inférieure et des fragments crâniens. La morphologie faciale et dentaire de ces fossiles possède les mêmes caractéristique que l'Homme moderne. Cependant, il y a des différences au niveau du crâne qui rappellent une origine plus archaïque.

Dans cette même couche, des outils ayant été chauffés ont été découverts, permettant une datation plus précise, grâce à la mesure de la radioactivité. En effet, la chauffe des outils élimine toute activité électrique présente en son sein. Par conséquent, la charge électrique mesurée sur ces outils est postérieure à son enfouissement grâce à la radioactivité naturelle des sédiments environnants. L'équipe a donc comparé les relevés annuels de radioactivité à la charge électrique des outils pour effectuer une datation précise.

Photo : reconstruction virtuelle du crâne à partir des fragments retrouvés sur le site. ( Philip Gunz)

Photo : Outils extraits des couches 6 et 7 à proximité des restes humains. (Mohammed Kamal)

Ainsi, les outils, et par extension les ossements, sont datés d'il y a 315 000 ans avec une incertitude de plus ou moins 34000 ans. Ce serait donc le spécimen d'Homo sapiens le vieux découvert jusqu'à maintenant !

De plus, la région nord-africaine de la découverte est éloignée de la région sud-africaine où tous les fossiles des premiers Hommes ont jusqu'alors été découverts !


Que signifie donc ces résultats ?


Nouvelles hypothèses

En ce qui concerne la morphologie des restes humains découverts, comme dit plus haut, la face et les dents rappellent une morphologie moderne, tandis que le crâne présente des caractères plus archaïques. Les chercheurs en concluent donc que les caractères propres à l'Homme moderne n'ont pas évolués en même temps, mais sont apparus dans une sorte de "mosaïque de l'évolution". L'évolution a donc été progressive, ce qui confirme que l'évolution est buissonnante et non linéaire. Autrement dit, plusieurs espèces du genre Homo ont vécu à la même période, possédant plus ou moins de caractères de l'Homo sapiens et tendant vers notre morphologie actuelle.

La découverte en 2013 (publiée par l'équipe de Lee Berger) de l'Homo naledi en Afrique du sud confirme ces hypothèses. Cette nouvelle espèce découverte fortuitement dans une grotte en sous-sol a bouleversé également nos connaissances. Inclue dans la lignée du genre Homo, cette espèce a d'abord été datée plus vieille qu'elle ne l'était au vue de la taille réduite de son crâne et de la morphologie simiesque (comme les singes) de son corps, mais possédant tout de même des caractères modernes. Après une datation plus précise, les restes ont finalement été daté d'il y a 236 000 à 335 000 ans et appartiendraient à une branche moins évoluée de notre lignée.

Si vous avez des difficultés à suivre, jetez un œil à la frise chronologique suivante :

Arbre généalogie des Hominidés, pour mieux se repérer. (Source : Hominidés.com)

Réserves sur les résultats

Certains chercheurs, tels que Tanya Smith, de l'Université de Harvard, ou encore John Hawks, de l'Université du Wisconsin-Madison, sont septiques quant à l'appartenance des restes de Jebel Irhoud au clan Homo sapiens. Selon eux, "les conclusions de ces recherches sont un peu hâtives" et "redéfinissent le concept d'Homo sapiens en créant une catégorie d'homme moderne primitif".

Cette dénomination, basée sur l'ensemble des caractères archaïques et modernes, n'est pas dénuée de sens mais il faut rester prudent quant à son appartenance à la lignée moderne.

La datation de ces restes est l'élément principal de ces recherches et indique qu'une population ayant sa place dans la mosaïque de l'humanité a vécu il y a plus de 300 000 ans. On peut donc soit étendre notre définition de l'Homme moderne, soit estimer qu'il s'agissait de spécimens dont l'évolution tendait vers l'Homme moderne.

Il est important de noter que nous ne connaissons pas encore précisément l'ensemble de l'histoire de notre évolution. En effet, les sites n'ont pas encore tous été fouillés, d'une part car nous ne connaissons pas toutes les localisations, celles-ci étant révélées au cours du temps par hasard ou grâce à des prospections, et d'autre part car certaines données sont absentes du fait des guerres, des pillages successifs ou de technologies parfois inadaptées suivant l'époque des découvertes. Il faut donc rester prudent et garder à l'esprit que les révélations sur notre évolution ne sont pas arrêtées et évoluent sans cesse (c'est le cas de le dire) au vue des découvertes.

De plus, la recherche du "chaînon manquant" de notre lignée est considérée comme la quête du Graal pour tous les paléoanthropologues, ce qui peut parfois fausser leur objectivité et les amener à conclure un peu trop rapidement sur leur découverte.

Je vous invite à lire le numéro de GeoHistoire de Août-Septembre 2017 où le magazine consacre un dossier entier aux Premiers Hommes. Le PDF est ici.

Comentarios


© 2017 - All right reserved

  • LinkedIn - White Circle
  • Facebook - White Circle
bottom of page